MÉMOIRE DU CONSEIL NATIONAL DES FEMMES DU CANADA

RÉSUMÉ

Le Conseil national des femmes du Canada (CNFC) est heureux de pouvoir participer aux travaux de consultations prébudgétaires. 

Les trois recommandations faites par le Conseil dans les présentes reflètent les priorités du CNFC au chapitre de la fiscalité ou des dépenses de programme du gouvernement fédéral, à savoir :

No 1 -  L’ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ

No 2 -  L’AUGMENTATION DU SOUTIEN À L’ENSEIGNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

No 3 -  LE MAINTIEN DE TAUX D’IMPOSITION JUSTES ET ÉQUITABLES

Le présent mémoire, par le truchement des recommandations du Conseil, vise à répondre aux quatre grandes questions principales expressément posées par le Comité des finances :

a)    Comment assurer une reprise économique soutenue au Canada;

b)    Comment créer des emplois durables et de qualité;

c)    Comment maintenir des taux d’imposition à des niveaux relativement bas;

d)    Comment atteindre un budget équilibré.

Nous croyons que l’élimination de la pauvreté serait bénéfique non seulement pour les personnes vivant dans la pauvreté mais, pour reprendre les propos des auteurs du rapport du Sénat sur la pauvreté, l’élimination de la pauvreté est « une priorité absolument essentielle à toute économie productive qui progresse et qui bénéficie des forces et des habiletés de tous ses membres ».

En augmentant les fonds consacrés à l’enseignement et au développement des compétences, on obtiendra une main d’oeuvre ayant les qualifications voulues pour occuper les postes existants et qui contribuera à la reprise économique et à la durabilité de l’industrie. Si les parents avaient accès à des services de garde appropriés, abordables et accessibles, davantage de travailleurs seraient en mesure de se joindre à la population active. Selon un rapport récent, «  Des études récentes démontrent que chaque dollar investi dans un programme de services de garde fait grimper le PIB de 2,30 $, ce qui est nettement plus que les mesures de relance mises en œuvre dans le secteur manufacturier et celui de la construction. » 

Un allégement fiscal précis à l’intention des personnes se situant au bas de l’échelle socio-économique constitue un investissement dans leur avenir qui est bien utilisé, leur donnant la possibilité de mieux se loger, réduisant leur dépendance aux banques alimentaires et leur donnant une stabilité économique accrue.  Et ceci a des répercussions positives sur la reprise économique au Canada.

Il est essentiel de maintenir un budget équilibré tout en s’attaquant à la réduction de la dette. Au CNFC, nous nous préoccupons du fait que, si cela ne se fait pas, le gouvernement n’aura pas les ressources nécessaires pour maintenir des programmes sociaux de valeur, par exemple dans les domaines du logement, de la garde d’enfants, du bien-être social, etc.

Concernant la réduction de la dette, au CNFC, nous nous préoccupons du fait que les cibles à long terme au niveau de la réduction de la dette pourraient rendre le processus budgétaire moins flexible et de ce fait moins apte à refléter les besoins changeants dans la société ou à faire face aux crises économiques ou aux catastrophes naturelles.

Le processus de réduction progressive de la dette nationale devrait se poursuivre mais il ne faudrait pas accélérer ni augmenter le taux de remboursement.

RECOMMANDATION 1 -  L’ÉLIMINATION DE LA PAUVRETÉ

Bien que le Canada n’ait pas actuellement des niveaux de pauvreté officiellement reconnus comme c’est le cas aux États-Unis, le seuil de faible revenu (SFR) est souvent considéré comme l’indicateur du niveau de pauvreté au Canada. En se servant du SFR, de 1960 à 1990, il est possible de dire que le taux de pauvreté au Canada a beaucoup augmenté, passant de moins de 10 % à plus de 10 %. En 1989, le Parlement a décidé à l’unanimité de mettre fin à la pauvreté chez les enfants avant 2000; de plus, en novembre 2009, la Chambre des communes a réitéré — à l’unanimité — son engagement à éliminer la pauvreté au Canada.  Aujourd’hui, en 2011, le Conseil national des femmes du Canada presse fortement le gouvernement à éliminer la pauvreté en mettant en œuvre les recommandations tirées du rapport de la Chambre des communes et du rapport du Comité sénatorial intitulé Pauvreté, logement, itinérance : les trois fronts de la lutte contre l’exclusion

Comme indiqué dans le rapport du Sénat :

a)   « ….la pauvreté coûte à chacun de nous : elle accroît le coût des services de santé, ajoute au fardeau du maintien de l’ordre et amoindrit les résultats en matière d’éducation. Ces facteurs réduisent à leur tour la productivité, la souplesse de la main-d’œuvre, la longévité de même que l’expansion économique et le progrès social, ce qui représente des coûts énormes pour les contribuables, pour les caisses de l’État et des provinces, de même que pour le solide potentiel de l’économie de consommation canadienne. Nous croyons que l’élimination de la pauvreté et de l’itinérance est non seulement une priorité humaine et honnête de toute démocratie civilisée, mais aussi une priorité absolument essentielle à toute économie productive qui progresse et qui bénéficie des forces et des habiletés de tous ses membres. »

b)   «  À son grand désarroi, il a découvert que des décennies de politiques sociales adoptées par différents ordres de gouvernement ont abouti à deux résultats éventuellement dévastateurs.  Tout d‘abord, dans les cas où les programmes fonctionnent et où une personne bénéficie de toutes les mesures possibles de soutien social et de soutien du revenu, le revenu dont elle dispose la maintient malgré tout trop souvent dans la pauvreté. Ensuite, dans les pires cas, les politiques et programmes actuels entraînent des gens dans le piège de la pauvreté en ayant l‘effet pervers et non voulu de rendre presque impossible pour trop de gens de ne pas compter sur les programmes de sécurité du revenu et même sur les refuges pour sans-abri. »

c)   « ……… certains groupes sont particulièrement défavorisés sur le plan du revenu et du logement : les personnes seules, les personnes handicapées, les Autochtones, certains nouveaux arrivant….. et les chefs de famille monoparentale. Ces groupes sont surreprésentés parmi les pauvres, les sans-abri, les décrocheurs et les personnes ayant des capacités limitées de lecture et d‘écriture. »

d)   « L’EMPLOI N’EST PLUS UN MOYEN SÛR D’ÉCHAPPER À LA PAUVRETÉ. »

e)   « Nous ne pouvons nous permettre les coûts économiques et sociaux de l’inaction à l’égard de la pauvreté, coûts qui dépassent 20 milliards de dollars. »

Selon les estimations de l’Association des banques alimentaires de l’Ontario, les coûts de la pauvreté pour les Canadiens atteignent 30,5 milliards de dollars compte tenu des dépenses en soins de santé, de la criminalité et de la perte de productivité.

Étant donné la décision prise en 2011 par le gouvernement fédéral de remplacer le long formulaire de recensement obligatoire par un court sondage volontaire, des données fiables et complètes ne seront plus disponibles, notamment au sujet des personnes pauvres et marginalisées. Sam Boshra, ancien analyste à Statistique Canada, prévient que « les pauvres et les sans‑emploi sont sous-dénombrés » et que le gouvernement pourrait « affecter ailleurs des ressources auparavant allouées à des programmes ciblant ces groupes défavorisés ».  Par conséquent, nous croyons qu’il est impératif de rétablir le long formulaire de recensement obligatoire.

RECOMMANDATION 2 -  L’AUGMENTATION DU SOUTIEN À L’ENSEIGNEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES

Il faudrait mettre davantage l’accent sur l’enseignement et le développement des compétences étant donné que ce sont deux éléments de la plus grande importance pour parvenir à l’autonomie et à plus d’équité. Sur le plan économique, les investissements dans ce secteur ont aussi pour résultat une augmentation de la productivité. Les employeurs nous disent que de nombreux postes demeurent vacants parce que les postulants n’ont pas toutes les compétences requises. Pour régler ce problème, le gouvernement doit encourager les employeurs à embaucher et à former des travailleurs en subventionnant la formation au besoin, de quelques heures à quelques jours.

Le gouvernement peut aussi encourager la création d’emplois en assurant la disponibilité de services d’orientation professionnelle appropriés de sorte que les personnes désireuses d’élargir leurs compétences ou de changer de carrière soient dirigées vers des emplois ayant de l’avenir.

Pour de nombreuses personnes, la garde d’enfants est un facteur important lorsqu’il est question de recevoir une formation pour un nouvel emploi ou de poursuivre des études. « Un financement fédéral aiderait à développer des services de garde et d’éducation de la petite enfance grandement nécessaires. Il permettrait aussi de créer des emplois pour les femmes, ce qui profiterait  à l’économie », a expliqué Sue Delanoy, membre de la Coalition et porte-parole de l’Association canadienne pour la promotion des services de garde à l’enfance (ASPSGE). « Des études récentes démontrent que chaque dollar investi dans un programme de services de garde fait grimper le PIB de 2,30 $, ce qui est nettement plus que les mesures de relance mises en œuvre dans le secteur manufacturier et celui de la construction. »  

RECOMMANDATION 3 -  LE MAINTIEN DE TAUX D’IMPOSITION JUSTES ET ÉQUITABLES

Depuis toujours, l’allégement fiscal préoccupe les membres du CNFC et nous nous préoccupons surtout des segments de la société qui sont souvent les plus vulnérables et les plus à risque – les Canadiens à faible revenu, les travailleurs pauvres, les femmes, les enfants et les personnes âgées.  Nous demandons instamment au gouvernement d’augmenter les allégements fiscaux pour les travailleurs pauvres, les familles monoparentales, les personnes handicapées et les personnes âgées.

Les réductions d’impôt d’application générale profitent principalement aux personnes à revenu élevé. La « classe moyenne »  disparaît peu à peu au fil des ans tandis que le groupe des « travailleurs pauvres » s’élargit. Quelques efforts ont été déployés par le passé à cet égard, notamment sous la forme d’une augmentation du montant personnel de base libre d’impôt. Les exemptions de base ne suivent pas le rythme de l’inflation. En augmentant celles-ci, on met davantage d’argent entre les mains des défavorisés et des membres de la classe moyenne et les dépenses de ces personnes contribueraient à stimuler l’économie canadienne. Nous recommanderions une hausse de la prestation fiscale fédérale pour le revenu de travail de sorte que tous les Canadiens occupant un emploi à temps plein se situent au-dessus du seuil de pauvreté. (Cette prestation est actuellement limitée à 522 $ pour un particulier et à 1 044 $ pour une famille.)

Un allégement fiscal précis à l’intention des personnes se situant au bas de l’échelle socio-économique constitue un investissement dans leur avenir qui est bien utilisé, leur donnant la possibilité de mieux se loger, réduisant leur dépendance aux banques alimentaires et leur donnant une stabilité économique accrue.

Toutefois, le Conseil s’oppose fermement à toute réduction générale de l’impôt sur le revenu qui menacerait nos programmes sociaux, en santé et en éducation. Au CNFC, nous croyons qu’il ne faudrait pas diminuer les cotisations sociales comme l’AE et le RPC. Ces programmes jouent un rôle essentiel en assurant un niveau de revenu qui donne une certaine impression d’indépendance et assure le maintien d’un revenu dans diverses situations. 

Depuis 118 ans, le Conseil national des femmes du Canada travaille à l’amélioration de la qualité de vie des femmes, des enfants et des collectivités au Canada par l’éducation et la revendication. En tant que députés, vous travaillez en vue d’atteindre les mêmes buts par le truchement des lois et des règlements. Au CNFC, nous sommes convaincus que nous pouvons travailler ensemble à créer un Canada meilleur pour tous les Canadiens.

ANNEXE

LE CONSEIL NATIONAL DES FEMMES DU CANADA

Le Conseil national des femmes du Canada (CNFC) a été fondé le 27 octobre 1893. Des armoiries ont été décernées au CNFC en 1993 dans le cadre des célébrations du centenaire de l’organisation. Le CNFC a été incorporé en vertu d’une loi du Parlement en 1914 et le gouvernement du Canada a reconnu l’importance historique de son rôle dans l’histoire des femmes canadiennes. En août 2005, Parcs Canada et la Commission des lieux et monuments historiques du Canada a installé une plaque commémorative marquant un lieu historique national dans les jardins Allen, à Toronto, où s’est tenue la réunion de fondation du Conseil national des femmes du Canada.

Cette ONG (organisation non gouvernementale) sans but lucratif et non partisane représente un très large segment de la population canadienne, réunissant diverses professions, langues, origines et cultures. Elle regroupe 15 conseils locaux, un groupe d’étude, six conseils provinciaux et 25 sociétés organisées à l’échelon national.

La politique du CNFC est élaborée au niveau de la base. Les nouvelles résolutions et les ajouts et changements à la politique sont proposés, font l’objet d’un examen approfondi, sont distribués et soumis au vote des membres. Les membres du Conseil doivent obligatoirement tenir compte de la politique existante dans leurs échanges avec le gouvernement, les médias et le public. Ainsi, le présent mémoire expose d’une seule et même voix l’opinion des membres fédérés du Conseil national des femmes du Canada.

Le CNFC, à l’exemption d’un employé à temps partiel, est entièrement composé de bénévoles qui, souvent, utilisent leurs revenus après impôt pour aider à financer le travail du Conseil. Afin d’assurer une large participation de base, la cotisation de membre est à dessein peu élevée. Par conséquent, en raison du manque de fonds, le présent mémoire est présenté sans les projections financières qui donneraient beaucoup de poids à nos recommandations.

Le CNFC détient un statut consultatif (catégorie II) auprès du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC).

De plus, le CNFC est un organisme fédéré du Conseil international des femmes (CIF), une organisation non gouvernementale internationale qui détient un statut consultatif (catégorie I) auprès de l’ECOSOC. Fondée en 1888, le CIF se compose de conseils nationaux présents dans 74 pays, réunissant des femmes de toutes les nations, races, croyances et traditions culturelles. Le CNFC est aussi une organisation non gouvernementale participante qui travaille avec la  Commission interaméricaine des femmes de l’Organisation des États américains.